vendredi 20 juillet 2018

Mon Dracula chez les Charlots





Les Charlots contre Dracula
1980
Réalisé par Jean-Pierre Desagnat
Belstar Productions

Lorsque l’on parle de Dracula, il y a plusieurs images qui viennent en tête. Les puristes pensent à Bela Lugosi dans son costume bardé de médailles. Les amateurs pensent à Christopher Lee et sa carrure, son mutisme et son regard bestial. Les jeunes pensent à Gary Oldman et sa fureur romantique. Les originaux pensent à Frank Langella et son visage d’endive. Les gens qui ont mauvais goût pensent à Gérard Butler (mais si, il doit bien y avoir quelqu’un, la femme de Gerard Butler peut être). Mais personne, non personne ne pense à Andreas Voustinas. Pourquoi ? Parce que ce Dracula n’existe que dans un seul monde, le CCU: Charlots Cinematic Universe.



Je suis Dracula et j'ai fait un brushing!


Si vous êtes trop jeunes pour savoir qui sont Les Charlots une petite présentation s’impose. Anciennement "Les Problèmes" Les Charlots étaient un groupe de musique créé dans les années soixante et composé de Gerard Rinaldi (mort en 2012, doubleur dans Jurassic Park et dans les Simpsons), Jean Sarrus, Gerard Filippelli, Jean-Guy Fechner et Luis Rego. Considérés par le magazine "Rolling Stone" comme le meilleur groupe de studio français, ils se retrouvent vite à faire la première partie de Claude François, Johnny Halliday et même des Rolling Stones. Après une première expérience cinématographique chez l’inénarrable Philippe Clair (" Tais-toi quand tu parles ",  " Le Führer en Folie ", " Par où t’es rentré on t’as pas vu sortir " …) dans « La Grande Java », ils tiennent le premier rôle dans le film antimilitariste " Les Bidasses en Folie " qui atteindra les 7 millions d’entrées en France. A la suite de ce film Luis Rego quitte Les Charlots qui vont tourner 8 films entre 1971 et 1975 à la qualité et au succès variable. Le groupe traverse une longue traversée du désert cinématographique alors que musicalement le groupe remplit toujours les salles avec des succès comme " Paulette la reine des paupiettes ", " Merci Patron ! ",….  Plus tard, Jean-Guy Fechner quitte à son tour les Charlots suite à une altercation avec leur producteur Christian Fechner (frère de). Après deux films en 1978 et 1979 au succès très très relatif, les années 80 pointent le bout de leur nez et…


Un livre pour raconter une histoire quoi de plus normal !



Mais de quoi que ça parle ce film ?

Voici l’histoire de Dracounet (si si, le narrateur l’appelle bien Dracounet, la légende prend du plomb dans l’aile) qui vit dans son château des Carpates avec sa maman et qui rêve d’avoir les pouvoirs de son papounet (ouais non mais cherchez pas). Il fait du boudin le petit Dracounet et il ne veut pas manger sa soupe.

Miam, la bonne spécialité roumaine


Du coup sa maman le punit. Il ne pourra pas toucher la fiole qui renferme les pouvoirs de son père tant qu’elle ne le voudra pas (sa mère ou quelqu’un qui lui ressemble parce que faut bien faire avancer l’histoire hein). Du coup il va bouder dans son petit cercueil avec son petit pyjama.

Sa moman lui a cousu une petite chauve-souris dans le dos


35 ans et demi plus tard (ouais non mais moi non plus), Dracounet devenu grand engage des détectives pour trouver une femme qui ressemble à sa mère, et quand on lui apporte une femme qui ne ressemble à rien il force les gens à toucher la fiole de pouvoir ce qui les transforme en pierre (d’ailleurs Igor râle parce que les sous-sols sont pleins). Jusqu’à ce qu’arrive Gérard Jugnot, en la personne de Gaston Lepope qui lui a la solution, une femme qui travaille dans une brocante à Paris.

Je suis Gerard Jugnot et j'ai l'air d'avoir 50 ans depuis que j'ai 15 ans (il en a 28)


Lepope débarque chez les Charlots (oui parce que c’est bien eux qui tiennent la brocante) et Ariane (la jeune femme qui ressemble à la mère de Dracula, de loin en fermant les yeux à travers du verre opacifié) et use d’un subterfuge en se déguisant en tennisman pour kidnapper Ariane qu’il enferme dans une armoire qu’il leur achète et leur demande de livrer gare de l’Est

Les Charlots se rendant compte que le vil gredin les a entourloupés, embarquent à sa suite dans le train et finissent par le retrouver. Mais Lepope s’échappe du train avec une Ariane droguée et l’enferme dans un cercueil. Les Charlots sautent du pont dans un effet spécial digne des meilleurs blockbusters du Pakistan, et rattrapent Ariane abandonnant Lepope seul dans la forêt. 

Attention on tombe sur un fond vert !


C’est là que ça merdoie en beauté parce qu’autant la première partie ça va, je ne dirais pas que les gags sont bien équilibrés mais bon on est pas encore dans le gênant, juste dans le mauvais patoche mais là c’est tout autre chose. Repas en mode LOL avec des insectes, un pendu qui demande qu’on pousse son tabouret, Lepope poursuivi par des loups invisibles, un sauna en pleine forêt pour perdre du poids et passer un pont... jusqu’à la scène, cette scène où Dieu avec un accent belge leur offre des frites pour se sustenter.

Dieu, ce belge qui descend pour filer des frites à des français, il est pas rancunier.


C’est ainsi que les 4 personnages se retrouvent dans le château de Dracula. Heureux que la jeune femme ait enfin  trouvé le chemin du château il les convie à manger... un couscous, après la soupe de grenouille au début du film nous voici donc devant la deuxième spécialité culinaire roumaine. Grâce à un habile subterfuge impliquant un mur qui tourne, Dracula ramène Ariane dans ses quartiers et lui demande de se saisir de la fiole, qu’elle tend sans encombre à Dracula. Celui-ci la boit et se trouve investi des pouvoirs vampiriques... dont il ne se servira pas, sauf deux à deux reprises (pour hypnotiser Ariane et se changer une fois en chauve-souris). Les Charlots cherchent à s’échapper du château et atterrissent dans une crypte où ils trouvent trois cercueils : Christopher Lee, Bela Lugosi et… Dracula bien entendu. Ils concluent donc que Dracula est un vampire et qu’il faut le tuer. Ils trouvent un téléphone pour appeler la police (dialogue surréaliste " Y a un vampire qui veut nous tuer et une femme a été vampirisée. – Poils aux nez connard. "). Après avoir de- hypnotisé Ariane en lui faisant chanter la Marseillaise, ils affrontent Dracula mais la police arrive pour arrêter le vampire qui tombe amoureux de la chef de la police et l’épouse. Voilà fin du film.

La police roumaine à la pointe de la technologie


Bon la première chose à dire, c’est à quel point l’humour de ce film est gênant notamment certains gags totalement incompréhensibles, par exemple la scène du lavage de la cuisine pour arrêter le vampire et son serviteur ou l’appel téléphonique du marchand de cacahuètes. Tout est à l’avenant, alors oui on pourrait essayer de défendre l’humour en parlant d’absurde mais autant certains films des charlots comme " Les Fous du Stade " ou " Le Grand Bazar " jouent habilement sur l’absurde, autant là on atteint un certain niveau où systématiquement tous les gags sont désamorcés car soit ils ne sont pas drôles (le téléphone du château caché dans un bol de fromage blanc) soit ils sont incompréhensibles (le gag du marchand de cacahuètes, on y revient).

Attention c'est propre, vous ne passerez pas !
Contre un vampire rien de mieux qu'un saucisson à l'ail


Franchement, il n’a pas de chance le Dracula dans ses adaptations françaises. Déjà quatre ans plus tôt, Edouard Molinaro réquisitionnait le grand Christopher Lee pour le faire jouer dans " Dracula Père et Fils " de sinistre mémoire pour en arriver là. Il faut dire aussi pour la défense du film qu'à l'époque le manager des Charlots était André Bézu (celui de " A la queue leu leu ") à l’époque qui a été un peu le gros problème de leur carrière en préférant leur trouver des jobs faciles pour entretenir son addiction à la drogue et à l’alcool. De plus, les Charlots abordent la quarantaine à cette époque et la fraicheur des jeunes innocents des années Bidasses est loin derrière eux. Malheureusement pour eux, la chute va continuer. Ils vont tourner encore deux films en 1982 et 1983 avant que Gérard Rinaldi ne quitte la bande pour se lancer avec succès à la télévision (" Marc et Sophie " par exemple et le doublage). Un dernier film sera réalisé en 1992 mais sera un échec total. Avec la fin des Charlots se tourne une page du cinéma français et du navet à la française (Max Pécas, Philippe Clair...), mais il ne faut pas oublier qu’un film fantastique français, même " parodique " qui ne marche pas refroidit les producteurs qui pourraient financer ce genre de film.

Un bon ratage, pratiquement invisible aujourd’hui et c’est peut être mieux ainsi car si on doit se souvenir des Charlots, j’espère que ce ne sera pas pour ça.




mardi 17 juillet 2018

Vis ma vie de samouraï/chanteur de rock/neurochirurgien /inventeur…..


"Les Aventures de Buckaroo Banzai à Travers la 8e Dimension"
1984
Réalisé par W.D. Richter
20th Century Fox

La première chose à noter dans ce film, est son incroyable casting, jugez plutôt : Peter Weller (Robocop en personne), Christopher Lloyd (Doc Brown de "Retour vers le Futur"), John Lithgow (Lord Faarquad de "Shrek") Clancy Brown (le Kurgan de "Highlander"), et même Jeff Goldblum (Ian Malcolm de "Jurassic Park"). Mais de quoi peut bien parler ce film au nom si prometteur ? Je vous préviens ça secoue, et ne vous plaignez pas d’une migraine si vous ne comprenez rien, c’est normal. Comme nous l’annonce l’affiche, Buckaroo Banzai est un neurochirurgien, inventeur, guerrier, samouraï, musicien et aventurier. Oui vous avez bien lu, tout ça à la fois. Un bon gros cumulard pour citer ce bon vieux Georges Marchais.

Georges Marchais says: "Cumulard"

Neurochirurgien le jour, inventeur l’après-midi et leader de son groupe, Les Cavaliers de Hong Kong. Banzai donc est l’inventeur d’une machine qui permet de traverser la matière pour atteindre la huitième dimension. Entendant parler de sa réussite, le Docteur Emilio Lazardo, qui préfère qu’on l’appelle Lord John Whorfin, (ouais non mais c’est jamais bon quand on choisit tout seul son surnom) s’échappe de l’asile pour piquer l’invention de Buckaroo. Faut le comprendre le pauvre gars, il a passé 50 ans dans un asile (non mais il est là depuis quel âge le mec ?), et il s’est retrouvé bloqué dans la huitième dimension ce qui lui a fait fondre 3-4 fusibles.


Je suis un méchant et mes cheveux décoiffés le prouvent.

L’incident provoqué par Lizardo 50 ans plus tôt avait amené sur Terre une race d’aliens rouges appelés les Lectroids Rouges (ouais faut pas confondre avec les Bleus qui eux ont deux étoiles sur leur combinaison), des méchants dont les derniers plans de destruction furent anéantis par les Lectroids Noirs qui sont pacifiques (qui ressemblent à des rastas). Du coup les Johns (oui les Lectroids Rouges s’appellent tous John…ne cherchez pas) décident de prendre le contrôle de la Terre.  Du coup, c’est à Buckaroo Banzai et aux Cavaliers de Hong Kong, aidés par un Lectroid Noir (qui s’appelle aussi John parce que pourquoi cracher sur une mauvaise idée) d’intervenir.



    
Bonjour avez vous quelques minutes à nous accorder pour parler de notre sauveur John
(oui ce sont les Lectroid et oui le maquillage est moche)


Ce film est un tel festival de fumette que déjà au bout d’un quart d’heure on imagine le bureau des scénaristes noyé sous une montagne de cocaïne. On comprend un peu mieux déjà d’où sort le film quand on sait que deux ans plus tard le réalisateur sera à l’origine du scénario du film "Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin" ("Big Trouble in Little China" en VO et c’est bien mieux).  Comment dire, un film pareil ça se vit et ça se vit au point que cela devient l’expérience d’une vie. Contrairement à la France où le film est totalement méconnu, il est totalement culte outre Atlantique. Jeux vidéo, comics, novélisation, manque plus qu’une secte et, j’ai envie de demander, pourquoi ? D’une part le scénario est abracadabrant (-esque big up Chirac), délirant, totalement what the fuck (-esque big up personne), mais tellement années 80 (trop même). D’autre part, chaque acteur est ridicule dans un niveau jamais égalé. Il n’y a qu’à voir Jeff Goldblum, qui joue un neurochirurgien dans le film, habillé en cowboy avec chemise rouge flashy, sur-bottes en vraie fourrure de muppet blanc et santiags. C’est à se demander comment les acteurs ont réussi à trouver du travail, voire à tourner dans des bons films après.

Pas la peine de le cacher, le film fut un échec terrible au moment de sa sortie et ne rapporta pas la moitié de son budget, soit 17 millions de dollars de budget pour un box-office de 6,3 millions.  Peut-être que le public américain n’a rien compris au film. Rectification : bien sûr que le public américain, comme d’habitude, n’a rien compris au film et sans une attention digne d’un samouraï neurochirurgien, il est impossible d’y comprendre quoi que ce soit. D’ailleurs la bande-annonce a comme B.O. la musique plus qu’énervante du film et spoile  un gros morceau de la fin du film où les acteurs marchent en ligne sur la musique de film, alors que le générique nous prévient que Buckaroo Banzai reviendra dans un deuxième film qui ne sera jamais réalisé. Mais bon, les films où un mec peut passer d’une salle d’op’ à une zone de test tout en jouant de la gratte ne sont pas si nombreux, alors profitons-en.

Ce film est purement et simplement un film concept. Je ne vois même pas en quoi ce style de scénario pourrait motiver un acteur. Je me demande même ce qu’ils ont pu dire à la lecture du scénario « J’ai lu un scénario génial mais c’était pas celui-là » En même temps c’est vrai que vu le style de personnage, Peter Weller a dû sauter sur l’occasion, c’est pas tous les jours qu’on vous propose de jouer un neurochirurgien/ Star du rock.  Pour le reste, j’espère que Goldblum a poursuivi en justice la costumière parce qu’avec son costume de cowboy style Roy Rogers technicolor, il a bien failli mettre un terme avant l’heure à sa carrière (et ça aurait été dommage non ? Oui). Sinon pour ce qui est des méchants, il n’y a rien à dire à par cabotinage permanent, par exemple, les scènes avec John Lithgow semblent avoir été tournées la nuit pendant que le réalisateur se flagellait avec un sillas en se repentant de faire un film pareil, de façon à ne pas être stoppé. En gros, trop de mindfuck tue le mindfuck.


Je vous invite donc à rassembler vos amis et à marcher en ligne sur la musique de Buckaroo Banzai pour rendre hommage au film. 

Oui Goldblum c'est bien le cowboy rouge


Ps : Il est à noter que « Ready Player One » de Spielberg fait référence au film et qu’une série télé a failli être réalisée par Kevin Smith


Percival en mode full Buckarro dans "Ready Player One" de Steven Spielberg (Warner 2018)